Libre propos :

Dans un contexte où l’armée a pris le pouvoir pour sauver le pays d’une dictature corrompue qui a endetté la nation, truqué les élections, et installé une ploutocratie oppressante, et où elle partage désormais le pouvoir avec les forces politiques de tout bord et la société civile, il semble encore moins probable que la Cour constitutionnelle puisse destituer les chefs militaires.

Voici pourquoi :

  1. Légitimité Révolutionnaire de l’Armée:

L’intervention de l’armée est perçue comme une action salvatrice pour protéger le pays contre un régime dictatorial qui a causé des torts considérables à la nation. Cette légitimité révolutionnaire confère à l’armée un capital politique important et un soutien populaire, ce qui lui donne une position dominante dans le nouveau cadre de gouvernance. Dans ce contexte, la Cour constitutionnelle, même si elle est rétablie, n’aura ni la légitimité ni la volonté politique de s’opposer à ceux qui sont perçus comme ayant sauvé la nation.

  1. Partage du pouvoir et consensus politique:

L’armée partage le pouvoir avec les représentants politiques de divers horizons et la société civile, ce qui montre une volonté de transition inclusive et consensuelle. Cette collaboration crée un équilibre où aucune institution ne peut agir unilatéralement contre les autres, surtout pas contre l’armée qui a permis cette transition. La Cour constitutionnelle, rétablie dans ce contexte, fonctionnerait probablement en tant que partie d’un consensus général, et non comme un acteur indépendant pouvant destituer les chefs militaires, surtout lorsque ces derniers sont vus comme garants de la stabilité.

  1. Cadre constitutionnel adapté à la Transition:

Le nouveau cadre constitutionnel ou la charte de transition adoptée après l’intervention militaire est probablement conçu pour refléter ce partage du pouvoir et pour garantir une certaine stabilité. Il est peu probable que ce cadre permette à la Cour constitutionnelle de remettre en cause la position des militaires, notamment ceux qui sont au sommet de l’État. Le cadre législatif est souvent orienté vers la protection des intérêts de ceux qui ont été perçus comme les sauveurs du pays, renforçant ainsi la position des militaires.

  1. Risque de déstabilisation:

Toute tentative de la Cour constitutionnelle de destituer les chefs militaires risquerait de déstabiliser gravement le pays, d’autant plus dans une situation post-crise où les militaires sont considérés comme les acteurs clés de la stabilité. La société civile, les politiques et même une grande partie de la population pourraient voir cette action comme une menace à la fragile transition en cours, rendant la Cour extrêmement réticente à s’engager dans une telle démarche.

  1. Rôle de la Société Civile et des Politiques:

Dans ce cadre de transition, où la société civile et les politiques de tout bord ont également leur mot à dire, ces acteurs pourraient être plus enclins à protéger l’équilibre du pouvoir, plutôt qu’à soutenir une action qui risquerait de provoquer une nouvelle crise. La Cour constitutionnelle, consciente de ces dynamiques, ne chercherait pas à provoquer une confrontation directe avec les militaires.

Conclusion 1:

Dans un tel contexte, où l’armée a été le facteur de stabilisation après une période de dictature et où elle partage le pouvoir avec des acteurs politiques divers et la société civile, la Cour constitutionnelle est peu susceptible de destituer les chefs militaires. Le cadre de gouvernance actuel repose sur un consensus fragile où l’armée joue un rôle central, tant en termes de légitimité que de stabilité. La Cour, même rétablie, aurait peu d’espace pour agir indépendamment contre les militaires, et toute tentative de le faire serait perçue comme une menace pour l’équilibre national.

Du contexte juridique

Juridiquement, la capacité de la Cour constitutionnelle à destituer les chefs militaires dans un contexte où l’armée a sauvé le pays d’une dictature corrompue et partage le pouvoir avec les forces politiques et la société civile est fortement limitée par plusieurs considérations :

  1. Légitimité Constitutionnelle de la Transition:

Lorsque l’armée intervient pour renverser un régime dictatorial corrompu, la transition qui s’ensuit est souvent légitimée par la nécessité de rétablir l’ordre constitutionnel, la justice, et la gouvernance démocratique. Le cadre juridique de la transition, qu’il s’agisse d’une nouvelle constitution ou d’une charte transitoire, est généralement conçu pour stabiliser le pays et préserver la paix sociale. Ce cadre peut accorder des prérogatives spéciales à l’armée, justifiant son rôle prééminent dans le gouvernement, ce qui limite juridiquement la capacité de la Cour constitutionnelle à agir contre les chefs militaires.

  1. Primauté de la Charte de Transition:

Dans une période de transition, la Charte de transition ou la Constitution provisoire devient la norme juridique suprême. Si cette charte a été rédigée ou modifiée sous l’influence des militaires, elle est susceptible de contenir des clauses qui protègent les chefs militaires de toute destitution par la Cour constitutionnelle. Par exemple, il pourrait y avoir des dispositions limitant les pouvoirs de la Cour ou définissant des procédures spécifiques pour juger les actes des dirigeants militaires, qui ne relèveraient pas de la compétence normale de la Cour.

  1. Immunité des Chefs Militaires:

Dans de nombreux régimes de transition où l’armée joue un rôle central, les dirigeants militaires bénéficient d’une immunité juridique, soit expressément prévue par la Charte de transition, soit implicitement acceptée dans le cadre des accords politiques conclus avec les autres parties prenantes (forces politiques et société civile). Cette immunité est souvent justifiée par le besoin de préserver la stabilité et d’éviter les conflits internes pendant la transition. En conséquence, la Cour constitutionnelle n’aurait pas la base légale pour initier une procédure de destitution contre les chefs militaires.

  1. Doctrine de l’État de Nécessité:

La doctrine de l’État de nécessité est une théorie juridique qui peut être invoquée pour justifier des mesures exceptionnelles prises en dehors du cadre constitutionnel normal en réponse à une crise existentielle pour l’État. Si l’armée a pris le pouvoir pour sauver le pays d’une dictature destructrice, ses actions peuvent être considérées comme étant justifiées par cette doctrine. Par conséquent, les actes des chefs militaires durant la transition peuvent être immunisés contre les contestations judiciaires, y compris celles de la Cour constitutionnelle, car ils sont considérés comme nécessaires pour la survie de l’État.

  1. Limitation des Compétences de la Cour : Constitutionnelle :

En période de transition, les compétences de la Cour constitutionnelle peuvent être spécifiquement limitées par le cadre juridique établi. Par exemple, il peut être stipulé que la Cour ne peut se prononcer sur des actes de gouvernement liés à la sécurité nationale, à l’ordre public, ou à la gestion de la transition. Si les chefs militaires exercent leur pouvoir dans ces domaines, toute tentative de la Cour de les destituer serait ultra vires, c’est-à-dire en dehors de sa juridiction, rendant toute action de destitution juridiquement non valide.

  1. Doctrine de la Séparation des Pouvoirs:

Même dans une période de transition, le principe de la séparation des pouvoirs demeure pertinent. Si l’armée partage le pouvoir avec les acteurs politiques et la société civile, le cadre de transition pourrait limiter les interférences entre les branches de l’État pour éviter un conflit de pouvoir. Cela inclut potentiellement des restrictions sur les actions que la Cour constitutionnelle peut entreprendre contre les chefs militaires, surtout si ces derniers sont reconnus comme une branche légitime du gouvernement transitoire.

Conclusion 2 :

Compte tenu de la légitimité constitutionnelle de la transition, de la primauté de la Charte de transition, de l’immunité accordée aux chefs militaires, de la doctrine de l’État de nécessité, et des limitations potentielles des compétences de la Cour constitutionnelle, il est juridiquement peu probable que la Cour puisse destituer les chefs militaires qui ont pris le pouvoir et contribué à stabiliser le pays. Ces considérations juridiques forment un cadre robuste qui protège les dirigeants militaires durant la transition et limite les actions de la Cour constitutionnelle contre eux. »

Rev.Pasteur Rostand Essono Ella

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