S’inscrivant dans « l’air du temps », à l’occasion de sa rentrée politique, le samedi 13 octobre 2024, le Parti Démocratique Gabonais (PDG), fer de lance du régime que le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) a déposé le 30 août 2023, place le président de la Transition devant un véritable dilemme. Il va falloir que le général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguema fasse un choix rapide entre la rupture radicale avec le passé ou alors céder aux chants des sirènes émis par Angélique Ngoma, Paul Biyoghe Mba et les leurs, pour garder l’enfant dans la maison. Une analyse lucide de la situation s’impose donc.
La célébration de ce retour fracassant du PDG sur la scène politique se présente tel un véritable défi lancé au CTRI et à son chef de s’aventurer quitter le logis, sinon… Parti de « gouvernement », « laissé tranquille » depuis le coup de libération des militaires, l’ancien parti de masse, socle du monopartisme, du clientélisme et de la conservation, à tout prix, du pouvoir, vient ainsi de tendre un piège géant à la Transition : celui de démontrer que le coup de force du 30 août n’avait pour seule et unique visée, que de chasser les Bongo du palais du bord de mer, de priver Albert Ondo Ossa, inconnu du système, de sa victoire, et de recommencer avec les mêmes. Une imposture que le peuple dénonce, avec véhémence depuis cette messe des anciens camarades d’Ali Bongo au palais des sports de Libreville.
Paul Biyoghe Mba, dans un discours empreint de roublardise, entouré de pédégistes de cœur, comme de circonstance, arborant pagnes et tee-shirts à l’effigie d’Omar Bongo, s’est présenté en profito-situationniste, déterminé avec tout son groupe, à tirer les marrons du nouveau jeu politique, en opérant une démonstration, autant de force que de charme : affaire de dire et de rappeler, en d’autres termes, à Brice Clotaire Oligui : « Tu es l’enfant de la maison. Nous le sommes aussi. Et nous avons un même père, Omar Bongo. Alors, ne quitte pas la maison, ne nous laisse pas tomber ».
Cette posture, l’ancien Premier ministre Alain Claude Billié By Nze ne cesse de la dénoncer depuis des mois, traité de tous les noms d’oiseaux. Il s’insurge sur le fait que ceux qui sont censés avoir mal géré le pays, le CTRI s’appuie encore sur eux pour gouverner, alors que ces derniers devraient, en principe, se retrouver dans l’opposition, au nom de la logique de l’alternance au niveau des institutions. Et ces pédégistes ne se sont pas cachés, lors de cette sortie politique, osant un « oui » au référendum constitutionnel, en fait, au président Oligui et au CTRI, tout en jetant, du même coup, à la poubelle de l’histoire, leur ancien « Distingué Camarade » Ali Bongo Ondimba.
Sans sourciller, et se présentant comme « un parti de gestion », le PDG s’est clairement dévoilé comme cet antre d’opportunistes, prêts à s’embarquer dans n’importe quelle aventure, par instinct de survie, tels des rats, qui profitent de navires pour traverser des continents. Les partisans de l’immobilisme sont tout d’un coup devenus les partisans du changement. Le tout, sans la moindre idéologie, que l’applaudimètre. Ils ont chanté comme cela des « Oyé, Oyé, soutien ! », du temps d’Omar Bongo. Ils ont incanté des « Ya Ali !, Ya Ali ! » dernièrement. Et les voici en train de dire « oui » à Oligui, et ils n’ont pas tort. C’est dans leur ADN. Ils tiennent à s’embarquer dans l’essor vers la félicité.
C’est plutôt à Brice Clotaire Oligui Nguema de savoir faire la part des choses. Près de dix mois, sinon moins, nous séparent, en principe, de la prochaine élection présidentielle. Ce temps va lui paraître très long pour se décider, soit de rester dans son treillis et devenir ainsi l’instrument, à son cœur défendant, du PDG, contre le peuple gabonais, soit de troquer rapidement sa tenue militaire avec le costume civil et créer son propre parti politique. Je puis prédire que ces pédégistes seront les premiers à quitter leur habit, pour suivre le président, qui les fera continuer à briller. Ils sont très collants…
Si Oligui ne crée pas son parti politique, il se sera laissé piéger par le dialogue national inclusif, qui a proposé, jusqu’au-delà de la transition, la suspension de toutes les formations politiques et, bien plus, celle du PDG, avec interdiction, pour ses membres, de briguer un quelconque mandat, proposition restée vide de sens, ainsi que le démontre les hiérarques pédégistes, puisque ce n’était pas une injonction.
S’il ne se décidait pas vite, Brice Clotaire Oligui commettrait la même erreur qu’Ali Bongo, qui n’eut pas le courage de créer son propre parti, la veille du congrès du PDG de 2010, mais s’enferma dans les chants de sirènes distillés par un Antoine Mboumbou Miyakou, pédégiste jusque dans les os. Le Distingué Camarade a ainsi porté, 14 ans durant, une lourde excroissance, qu’il fallait nourrir, mais avec laquelle il n’a pas réellement gouverné et qui s’est nourri, comme par le passé, du sang des Gabonais. Preuve, cette joie manifestée par les populations de tout le pays, enfin « libres », au matin du coup de libération.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, gare aux chants des sirènes. N’en déplaise au Conseiller Spécial du président de la République, qui pense que c’est aux urnes que le PDG se fera battre. Un PDG qui pense ne pas présenter de candidat à la prochaine présidentielle, selon des indiscrétions dans le milieu, mais qui compte se donner une confortable majorité à l’Assemblée nationale, pour être un acteur de poids, le moment venu, sinon le meneur du jeu.
Par Fidèle Biteghe (Journaliste écrivain)