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Tribune Libre : Ces excréments en public, un Cri de vulnérabilité, une déclaration de guerre contre le chaos

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La Présidente de l’Association Djondo Clean, Zang Eugénie, plus que préoccupée par la propreté absolue des lieux d’aisance au Gabon.

Le déni : l’agression silencieuse

Nous parlons d’hygiène, d’assainissement, et de santé publique.

Mais aujourd’hui, j’aimerais qu’on ose regarder en face une vérité qui nous brûle les yeux : celle de l’excrément humain, abandonné dans nos espaces publics, dans nos écoles, sous le regard indifférent de tous.

Ce n’est pas qu’une question de saleté. C’est une blessure profonde faite à notre âme collective, une agression silencieuse qui mine les fondements mêmes de notre société.

Du dégoût à l’humiliation : le signe d’un effondrement

Imaginez l’animal. Il défèque là où il se trouve, sans la moindre honte ni conscience de l’intimité. Et pour cause : l’animal n’a pas besoin de se « déshabiller », il ne connaît pas la pudeur. L’être humain, lui, a construit des civilisations entières autour de la pudeur, des normes et du respect de soi et de l’autre. Il a créé des sanctuaires d’intimité pour ses besoins les plus profonds : les Toilettes. Des lieux propres, privés, ordonnés, non pas parce que l’excrément est propre, mais parce que l’acte et l’individu qui l’accomplit méritent la dignité et le respect. Ce simple fait est l’un des premiers marqueurs de notre humanité.

De la même façon, l’estrade dans une salle de classe est plus qu’une simple plateforme. Elle symbolise le respect de l’enseignant, l’autorité du savoir, et l’ordre qui doit exister dans l’éducation. Quand l’estrade disparaît, c’est le signal d’un respect brisé. Et le même lien s’applique aux sanitaires. L’état des toilettes dans nos temples du savoir n’est pas un simple problème d’hygiène. C’est le miroir de cette même perte de dignité. Quand les élèves sont contraints de déféquer à l’air libre, dans l’enceinte même de leur école, qui est le temple du savoir, c’est le signe le plus brutal d’un effondrement du respect des lieux, du respect de soi, du respect du savoir. L’incivisme et la perte de dignité s’engraissent. Tout est lié. L’enseignement théorique des valeurs ne sert à rien si la réalité quotidienne nie ces leçons. Nous formons ainsi des citoyens qui, loin de construire une nation, reproduisent à l’âge adulte le chaos qu’on leur a imposé enfant.

Mais alors, que se passe-t-il lorsque cet acte, aussi intime que vital, est brutalement exposé à la vue de tous ? C’est le point de départ du chaos. Cette violence silencieuse qui se répète est la première fissure dans le mur de notre civilisation. Elle est le commencement de l’insalubrité qui, comme une maladie, se propage partout.

Et parlons de nos dirigeants. Ceux qui ont la charge de gérer l’image de notre pays peuvent-ils accepter que des touristes, qui rêvent de nos beautés, soient accueillis par la vision choquante de notre misère ? Ceux qui ont la responsabilité du bien-être de notre peuple peuvent-ils fermer les yeux sur le calvaire de celui qui, tordu par un besoin pressant, est contraint de chercher en vain un coin de dignité pour se soulager ? Ce n’est pas un manque de moyens. C’est un manque de courage.

Ce que nous ressentons face à cette vue est un choc. Une réaction viscérale qui nous tord l’estomac, qui nous fait détourner le regard. Ce n’est pas une simple répulsion, c’est la confrontation à une violation de territoire, une agression qui ne blesse pas le corps, mais l’esprit et la dignité de chacun. C’est un traumatisme silencieux qui nous fait sentir l’humiliation à la place de l’autre.

L’intimité non exposée de chaque être humain est le reflet de sa dignité. Et dans cette intimité résident nos valeurs, nos coutumes, notre culture, tout ce qui fait la vie tout simplement. En acceptant de laisser nos rues devenir des dépotoirs de dignité, nous acceptons de renoncer à notre humanité.

Le symptôme d’une société qui s’est brisée

Le caca en public n’est pas un problème marginal. C’est le symptôme criant d’une société qui, avec une intelligence illimitée, semble avoir oublié les fondements de son existence. Les estrades effacées dans nos écoles, la violence envers ceux qui partagent le savoir, et ces excréments exposés sont autant de cris d’alarme qui nous disent que quelque chose s’est brisé.

Notre combat pour des toilettes propres n’est pas un combat pour des infrastructures. C’est une lutte pour la dignité humaine, pour le respect de l’intimité, pour le retour à un ordre social où l’existence de chacun est accueillie avec un sourire, et non rejetée par le dégoût. Des toilettes propres sont un « Bienvenue ». Des toilettes sales sont un « Ne venez pas ici », un rejet de l’autre. Et le caca en public, c’est une violence faite à tous. Il est temps de nous regarder en face et de retrouver l’essence même de notre civilisation, de notre NATION.

Le fondement juridique et la promesse

C’est dans ce déni de dignité que se trouvent les racines d’un mal-être collectif qui alimente le chaos. C’est ce que souligne la Présidente du Sénat, Madame Paulette Missambo, le 1er septembre 2025, lors de l’ouverture du Parlement, en affirmant : « Il y a lieu de repenser notre modèle économique et social. »

Cette lutte pour des toilettes propres n’est pas seulement une question d’infrastructures. C’est une lutte pour la dignité humaine. Il est temps de nous regarder en face et de retrouver l’essence même de notre civilisation, de notre NATION. La Journée mondiale des toilettes, le 19 novembre, ainsi que les ODD 3 (Bonne santé et bien-être) et 6 (Eau propre et assainissement) auxquels le Gabon souscrit, sont la promesse d’une nation qui se donne les moyens de son ambition. La force de cette ambition ne réside pas dans la répression, mais dans la collaboration, l’encadrement et le partage. Nous sommes tous des pompiers contre l’incendie de l’insalubrité. L’Association Djondo Clean demande aux autorités d’accéder à une urgence, celle d’organiser les états généraux de l’insalubrité.

RAPPEL DES DROITS ET ENGAGEMENTS

  • Constitution Gabonaise : Le droit d’accès à l’eau et à l’électricité est garanti par la Loi n°24/2016, prise en application de l’article 47 de la Constitution.
  • Résolutions de l’ONU : Le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit de l’homme reconnu par la résolution 64/292 de l’Assemblée Générale. Le droit aux toilettes propres fait partie de ces droits. Le Gabon a souscrit à ces engagements.
  • Objectifs de Développement Durable (ODD) : Le Gabon s’est engagé à atteindre l’ODD 6 sur l’assainissement d’ici à 2030.
  • Dates Commémoratives : Le Gabon, qui ne manque pas d’eau, célèbre la Journée mondiale de l’eau (22 mars) et la Journée mondiale des toilettes (19 novembre), deux occasions de rappeler ces engagements.

Annexe

Les solutions : une stratégie coordonnée

Le plan de guerre : des actions par ministères

Le combat contre le chaos est une bataille que nous livrons, et le plan est clair. Il est mené par une action coordonnée des différents ministères.

  • Finances : allouer les budgets nécessaires pour les projets d’assainissement et la construction/réhabilitation des infrastructures sanitaires.
  • Communication : lancer des campagnes de sensibilisation nationales pour éduquer la population sur les enjeux d’hygiène et de civisme.
  • Affaires Sociales : développer des programmes de réinsertion et de sensibilisation pour les populations les plus vulnérables.
  • Intérieur, Sécurité et Décentralisation et mairies : la construction, la réhabilitation et la maintenance des toilettes publiques.
  • Tourisme et Culture : intégrer l’hygiène et la propreté comme des atouts pour l’image du pays.
  • Environnement : mener des actions de terrain et sanctionner les infractions.
  • Santé Publique : lancer des campagnes de prévention pour informer des risques liés à l’insalubrité.
  • Éducation Nationale : inclure l’éducation à la propreté dans les programmes scolaires.
  • Énergie et Ressources Hydrauliques : garantir l’accès à l’eau potable dans les infrastructures sanitaires.
  • Défense : mettre à contribution le génie militaire pour la réhabilitation rapide des sanitaires.
  • Travaux Publics : superviser et garantir la qualité des infrastructures à restaurer.
  • Prospective et Planification : collecter des statistiques fiables sur les conditions de vie pour mesurer l’amélioration du bien-être.

Le plan du citoyen : des pistes pour éteindre le feu de l’insalubrité

Le combat contre le chaos commence par des actes individuels, banals et anodins, qui ensemble créent un effet d’entraînement. La dégradation des biens publics vient de cette perception erronée qu’ils appartiennent à l’État. Non, ce sont nos biens à tous que nous devons protéger ensemble. Arrêtons cette mentalité de penser faire du mal aux autorités en participant à l’insalubrité. Notre santé à tous est en jeu.

Voici quelques pistes pour la révolution collective :

  • Ne déféquons plus dans la nature. Le caca appartient aux toilettes. C’est le premier acte de respect de soi et des autres.
  • Ne faisons plus pipi sur les murs des voisins.
  • Laissons les toilettes propres après notre passage.
  • Vidons nos déchets à l’intérieur d’une poubelle et non près de la poubelle.
  • Ne jetons plus nos déchets dans les caniveaux. Ce petit geste de civisme libère nos rues, protège notre environnement et surtout notre santé.
  • Éduquons nos enfants.
  • Prenons soin des espaces communs.
  • Dénonçons l’insalubrité.

Laisse Propre… Toi Aussi.

Association DJondo Clean de promotion et de maintien des toilettes propres et de l’assainissement.

Tél : 066633147, Montagne Sainte, Libreville.

 La Présidente, Eugénie ZANG.

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